Beau temps
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Partout où l'homme apporte son travail, il laisse aussi quelque chose de son coeur.
HENRIECK SIENKIEWICK
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Beau temps pour se retourner sur le passé.
Le soleil, le ciel bleu ont sur moi, comme la majorité des populations vivant dans des regions au climat versatile un effet dynamisant et met en général le baromètre du moral sur beau fixe. Donc pour une fois je dois dire que j'ai une reaction considérée comme normale par les gens qui m'entourent. Sauf que quand ce beau temps se produit quand je suis au bureau alors c'est plutôt le ciel qui me tombe sur la tête qu'une montée à son septième niveau. Et aujourd'hui je suis au bureau et il fait beau : une belle journée d'hiver mais où l'on peut déjà ressentir que les rayons du soleil réchauffent mieux l'atmosphère qu'il y un mois annonçant le printemps qui s'approche. Et ça, ça me déprime! Ca me ramène à ma question existentielle : Que fais-je là? Comment et pourquoi en essayant de vouloir faire ce que j'aimais je me suis échoué à Zurich? Je savais pourtant que la vie de thésard n'était pour moi guère plus attrayante que celle de rat de laboratoire mais que je pouvais facilement traverser cette épreuve si j'étais dans une situation morale adéquate : un sujet interessant et un environnement social de qualité. Tout me ramène à ces regrets et remords : On m'aurait donné ma chance là où je le voulais j'aurais traversé la thèse comme les autres années de ma scolarité avec une certaine insouciance et facilité et aurait sûrement donné un résultat comme la moyenne de ces années c'est à dire « assez bien ».
Mais voilà je n'ai eu la « chance » que de trouver à l'étranger et en plus sur un sujet très éloigné de mes passions.
Il est vrai que pour cette dernière raison j'avais fait le raisonnement suivant : La recherche étant durant les années de formation TOUJOURS ennuyeuses et cela quelques soit le sujet, même sur la chose que l'on aime le plus, qu'importait le sujet vu que tout cela serait ennuyeux. Ennui pour ennui pas la peine de se prendre la tête à avoir un sujet de rêve. En fait je dois avouer que cela est vraiment faux et que je me suis lourdement trompé car la thèse c'est plus qu'un travail ennuyeux. En effet des travaux ennuyeux et répétitifs j'en ai fait mais il ne me procuraient un tel état de depression car même si ces types de boulot sont pas vachement enrichissants ils procurent au moins la satisfaction d'avancer, d'accomplir un travail utile, concret. En thèse rien de ça, les efforts ne sont jamais récompensés par une quelconque satisfaction venant de soi ou d'autrui : le néant. Alors face à ce néant si même le fond du sujet ne vous procure aucune joie, que rien ne vous pousse à vous cultiver sur ce thème alors plus rien ne vous raccroche à ce que vous faites. Donc surtout si vous voulez faire une thèse, je confirme (pour une fois) qu'il faut avoir un sujet qu'on aime car quand le béton gris de l'ennuie coulera sur la place de votre si bel enthousiasme il ne vous restera plus que ça pour tenir car tout le reste se sera sûrement envolé dans l'imprévisible tempête qui risque de dévaster toute les plus nobles motivations que vous aviez au départ.
Donc éloigné de mes centres d'intérêts comme de mon pays puis-je quand même forcer le destin? Je le croyais et passé le desert de la thèse je me retrouverai à nouveau dans les jardins luxuriants de la connaissance, ceux que j'avais envi de cultiver depuis longtemps, ceux dont j'avais envi de cueillir les fruits depuis si longtemps. Mais le ciel bleu me ramène au fait que je ne fais comme seul labour que de tracer un sillon dans le sable d'un désert , sillon dont il ne restera rien une fois le vent levé. Non le ciel bleu au travail n'est que pour moi qu'un bleu où l'on se noie dans la plus profonde mélancolie, le bleu le plus sombre tel celui qui recouvre l'horizon du crépuscule. Ais-je commis des erreurs ou n'ai je pas eu de chance? Suis à ma place ou est-ce qu'en d'autres circonstances j'aurais trouvé d'autres voies pour ma vie? Est-ce que je ne récolte que le fruit de mes errements ou bien est-ce le destin qui m'est tombé dessus? Suis-je victime du système ou au contraire est-ce moi qui ai trompé les gens autour de moi? Ces questions resterons sûrement aujourd'hui comme les autres où les cieux sont plus ou moins gris sans réponses mais le ciel quand il est bleu me rappelle surtout que la vie pourrait être autrement, belle et joyeuse et que surtout qu'elle y a été il y a pas si longtemps que çà dans ma jeunesse à l'école de mon village, dans mes premières années d'études... Il me rappelle surtout que ma vie quand je suis ici est vide comme ce ciel sans nuage ni dieu...
Quoiqu'il arrive je sais maintenant que si mon expérience ici m'empêchera des remords mais les regrets sûrement pas! Une seule réponse semble vouloir faire surface au milieu de cet océan de questions qui noie toute motivation : La recherche en thèse n'est pas faite pour moi partout mais surtout à l'étranger loin de ses appuis et de ses réseaux sociaux rares et difficilement battis dans le passé mais qui me comblaient totalement. Oui cela est sûr et certain et l'on pourrait toujours extrapoler que c'est vrai pour toute la recherche. Mais de ce coté le doute persiste car une fois indépendant la recherche peut revêtir un nouvel aspect sûrement plus attrayant. Sans oublier que la bataille pour une nouvelle recherche humaine, efficace, juste et ouverte pourra s'engager pour gagner ensuite la bataille pour la science, la connaissance, la raison et contre les croyances et l'obscurantisme. Ces desseins me combleraient presque de joie rien qu'à les évoquer mais dehors le ciel est toujours si beau et bleu tandis que mon travail est toujours aussi moche et gris...